Les communautés de la classe ouvrière ont peut-être été parmi les plus durement touchées par le coup d’État, mais malgré leurs difficultés, beaucoup restent déterminés à voir les militaires renversés.
De Shwepyithar à Hlaing Tharyar, de North Okkalapa à South Dagon, les quartiers ouvriers de Yangon [Rangoun] ont été parmi les plus résistants face au régime militaire. Des dizaines de personnes ont été tuées, les forces de sécurité déployant des armes de combat pour maîtriser l’opposition dans la rue. Depuis la mi-mars, ces townships industriels sont soumis à la loi martiale, avec un couvre-feu plus strict qu’ailleurs dans la ville. De nombreuses affaires dites pénales sont jugées par des tribunaux militaires.
Possible effondrement économique
Ces townships ont également été parmi les plus touchés par les retombées économiques du coup d’État du 1er février. La Banque mondiale a révisé à la baisse, le mois dernier, ses prévisions pour l’économie du Myanmar en 2020-21, avec une contraction du PIB de 10 %. D’autres annoncent une contraction pouvant atteindre 20 % et un possible -effondrement économique.
De nombreux ménages de ces régions pauvres étaient déjà en difficulté en raison des impacts de la pandémie de Covid-19, après que le gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) a ordonné deux fermetures strictes l’année dernière. « Les sommes épargnées étant déjà épuisées, de nombreux ménages pauvres ont été contraints de réduire leur consommation pour faire face à la situation », avertit la Banque mondiale. Combiné aux « défis existants en matière de protection sociale », l’impact du coup d’État « entraînera probablement une forte augmentation de la pauvreté, des risques accrus pour la sécurité alimentaire et un dénuement plus profond pour les personnes déjà pauvres ». Depuis la mi-mars, des centaines de milliers de travailleurs migrants ont quitté Yangon en raison du manque de travail et des problèmes de sécurité, retournant dans les zones rurales où il y a très peu d’emplois et où ils sont tributaires du soutien de leurs proches.
Le soutien à la révolution ne faiblit pas
Une grande partie de ces retombées économiques ont été « auto–imposées », dans le but de priver la junte de sa légitimité et de ses revenus. Le mouvement de désobéissance civile a fermé les banques et perturbé le commerce, tandis que les manifestations de rue ont incité de nombreuses entreprises à fermer leurs portes. La fermeture des installations gouvernementales, en particulier des services de santé, a également affecté les pauvres de manière disproportionnée.
Frontier s’est entretenu avec un certain nombre de personnes vivant dans la banlieue de Yangon [Rangoun] qui, avant le coup d’État, occupaient généralement des emplois précaires et mal rémunérés. Malgré les difficultés qu’ils rencontrent, ils affirment que leur soutien à la révolution n’a pas faibli et ils attribuent la responsabilité de la crise économique aux militaires qui ont renversé illégalement le gouvernement de la LND.
Bien que certains signes timides de reprise économique soient évidents, Ko San Yu Maung, secrétaire général d’Action Labour Rights, déclare que les usines qui avaient rouvert fonctionnaient bien en deçà de leur pleine capacité. « Depuis le coup d’État militaire, les gens ont vraiment du mal à gagner leur vie. Ils vivent tous dans un climat de peur. Ils vont travailler aujourd’hui bien qu’ils se sentent menacés par les forces de sécurité, car s’ils ne travaillent pas, ils n’auront pas d’argent pour se nourrir demain », explique-t-il.
Article publié sur le site Frontier Myanmar
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