Le principe d’initiative citoyenne européenne, lancée en 2012, est décrit par la Commission européenne comme un « outil important pour la démocratie participative ». Il suffit qu’un million de citoyen.ne.s européen.ne.s soutiennent une proposition pour que la Commission soit invitée à faire une proposition législative à ce sujet.
Il existe cependant un certain nombre de conditions formelles : les signatures doivent être recueillies dans un délai d’un an dans au moins sept États membres, de plus certains seuils minimums s’appliquent. La proposition doit également porter sur une question relevant de la compétence de la Commission.
Mais la principale restriction, c’est que la Commission se réserve le droit… de donner suite ou non à ladite initiative ! On est évidemment très loin de la démocratie directe et cela n’a rien de surprenant dans le cadre d’une structure politique où le Parlement, en l’occurrence le Parlement européen, n’a pas lui-même de droit d’initiative législative.
La législation, en Europe, est en effet du ressort d’une Commission non élue, et ce principe vaut aussi pour cette initiative citoyenne européenne. Si l’intention avait été différente, il aurait été possible de consulter comment cela se pratique par exemple dans cet État non-membre qu’est la Suisse, où les référendums citoyens contraignants constituent une pratique politique normale : en septembre dernier, un référendum, qui vient de fixer un salaire minimum doit dès lors y être mis en application dans les plus brefs délais.
L’initiative citoyenne européenne se voulait ou aurait dû être une réponse au manque de légitimité dont jouit l’UE aux yeux de ses citoyens et à la critique permanente du « déficit démocratique » de ses institutions. Mais l’opération ne semble guère avoir été couronnée de succès.
Dans une carte blanche, Carsten Berg, le directeur de l’ONG indépendante, Campagne d’initiative citoyenne européenne, dresse un bilan très sombre des huit années « d’initiative citoyenne ». Cette ONG, qui n’est elle-même pas hostile à l’UE, veut seulement promouvoir la participation politique des citoyens européens.
Or Carsten Berg constate : « Près de 10 ans après l’entrée en vigueur de l’initiative citoyenne, toutes les évaluations indépendantes concluent que son impact législatif et politique est minime ou quasi nulle. Sur les quelque 80 initiatives lancées depuis 2012, seule une poignée a reçu le million de signatures requises ».
Et quand même elles aboutiraient, ce ne serait en aucun cas une garantie de succès. La toute première initiative ayant reçu suffisamment de signatures, « Right2Water » en 2014 (qui s’était notamment opposée à la privatisation de l’approvisionnement en eau), a rapidement démontré que la Commission n’est pas prête à se laisser perturber, dans sa frénésie de privatisation, par des citoyen.ne.s !
Plus d’un million de signatures contre l’utilisation du glyphosate dans les pesticides ne semble pas non plus une raison pour la Commission d’interdire son utilisation. Quant à l’une des initiatives actuellement en discussion, le « MinoritySafePack » sur la protection des minorités, elle a carrément été d’abord refusée par la Commission avant d’être ensuite autorisée…après un arrêt de la Cour de justice européenne et après que la Commission ait déjà supprimé deux de ses onze propositions !
Du coup, Carsten Berg craint que les citoyen.nes ne tournent encore plus le dos à l’UE et constate, désabusé : « La société civile européenne a demandé du pain, mais la Commission ne lui a donné que des pierres ».
Herman Michiel est actif dans l’Autre Europe. Cet article a été publié à l’origine sur le site Een ander Europa. Traduit et corrigé par Hamel Puissant et François Houart.