Tout a commencé dans le cycle d’orientation de Pinchat, où la direction a sanctionné par le port stigmatisant d’un très grand « T-shirt de la honte », dix filles et deux garçons parce que leurs vêtements étaient jugés indécents et « pas corrects ». À leur arrivée à l’école, les élèves ont dû défiler devant une haie de juges formée par la direction qui divisait les élèves en deux catégories : tenues jugées « correctes » et « incorrectes ». Depuis de nombreuses années, cette pratique a lieu sous différentes formes dans les cycles du canton.
Les réseaux sociaux se sont agités, des mères d’élèves ont écrit leur indignation et le collectif pour la grève féministe a été interpellé par des élèves, des anciennes élèves et une mère qui sont venues partager leur colère et appeler au soutien. #BalanceTonÉcole a recueilli sur Instagram une multitude de témoignages dévoilant des expériences douloureuses de sexisme vécu dans les écoles.
Vives réactions et forte médiatisation
Le collectif a immédiatement réagi et réuni plusieurs groupes féministes de collégiennes, d’étudiantes (dont les Meufx) et de personnes en formation. Après une petite réunion, il a été décidé d’aller faire une haie d’honneur, de solidarité et de colère au cycle concerné le matin à l’arrivée des élèves. Toute la presse genevoise était là.
Très vite, les filles victimes des sanctions et toutes leurs amies sont venues témoigner et ont rejoint les rangs de ce rassemblement qui devenait de plus en large et plus combatif.
Après une très bonne couverture médiatique, tout Genève parlait de ces T-shirts humiliants et sexistes. L’indignation se répandait largement dans les milieux féministes et progressistes.
La motion déposée par Françoise Nyffeler (EàG), signée par une députée Verte et une PDC, demandant l’arrêt immédiat de toute sanction concernant les vêtements dans les écoles genevoises et proposant l’ouverture d’une discussion sur l’apparence dans un cadre respectueux et égalitaire, a été soutenue par les député·e·s EàG, Vert·e·s et PS. Le camp de droite l’a rejetée après des interventions sexistes et conservatrices d’un autre âge, appelant même à l’ordre et à l’uniforme dans les écoles.
Comme la droite, Mme Emery-Torracinta (PS), conseillère d’État, cheffe du Département de l’instruction publique (DIP), a refusé la motion en expliquant que les filles de cet âge avaient besoin d’un cadre, qu’elles aimaient provoquer. En ce qui concerne les garçons, elle nous informait que le port du training était une déclaration d’appartenance à une bande ! Elle n’a pas compris que le 14 juin 2019 avait changé la donne (même dans ses propres rangs) : les femmes et les filles se sentent légitimes dans leurs revendications pour l’égalité et contre toutes les formes de sexisme, d’homophobie et de racisme dans les écoles. Elles savent qu’elles ne sont plus seules, un mouvement collectif féministe large existe sur lequel elles peuvent compter pour les défendre et visibiliser leurs colères.
Lundi 5 octobre, la mobilisation commence à porter ses fruits : le canton de Vaud décrète l’interdiction des « T-shirts de le honte » dans ses écoles et, finalement, le DIP genevois annonce la suspension de cette punition infâmante et l’ouverture d’une réflexion… Mieux vaut tard que jamais ! C’est une première victoire remportée par les féministes et leurs alliés et un premier recul de Mme Emery-Torracinta, une brèche dans sa rigidité rétrograde.
Une victoire d’étape
Là ne s’arrête pas la bataille. Un projet de loi est en préparation. Il vise l’abrogation de l’alinéa 5 de l’Art. 115 de la LIP (Loi sur l’Instruction publique) disant que les élèves doivent « porter des tenues correctes et adaptées ». De plus, un avocat mandaté par un collectif d’élèves, de parents et de citoyen·ne·s relève le caractère anticonstitutionnel des mesures stigmatisantes concernant les vêtements dans les écoles. Mme Emery-Torracinta devra y répondre.
La lutte continue pour le retrait de toutes les sanctions concernant les tenues des élèves. Une réflexion générale, intégrant les points de vue féministes, est nécessaire afin de développer l’égalité de genre dans les milieux scolaires, y combattre le sexisme, l’homophobie ainsi que la transphobie. Les élèves ont besoin d’outils, de moyens et d’espaces pour dénoncer les mots, comportements et gestes sexistes, hypersexualisants et humiliants de la part d’enseignants ou de camarades. Les témoignages des élèves victimes doivent être entendus, écoutés, pris en considération et respectés. Il faut que des mesures concrètes et immédiates soient mises en place pour faire cesser les actes et les propos discriminants et intolérables.
#OnLâcheRien, la lutte contre le sexisme dans les écoles continue !
Article publié par solidaritéS.