Le moment n’est pas tout à fait neutre. Les luttes sociales reprennent de la force sur tous les fronts : la jeunesse radicalise la question climatique ; le mouvement féministe se renforce et prépare la grève féministe du 8 mars ; les gilets jaunes et les syndicalistes remettent la lutte à l’ordre du jour… car leur saute aux yeux la nature du capitalisme qui pourrit la planète, s’attaque aux droits sociaux et nous étouffe par l’exploitation et les dominations.
Elle se cherche une ligne politique en cohérence avec les secteurs les plus réactionnaires du monde capitaliste. Elle se cherche des leaders.
Ce qu’il faut retenir des incidents de Verviers, c’est la présence et les provocations de ce qu’il y a de plus extrême à droite(1)Voir à ce sujet l’excellent article de Veille Antifa Liège : https://veilleantifaliege.noblogs.org/post/2019/02/23/qui-etait-a-la-conference-avortee-de-theo-francken-a-verviers/?fbclid=IwAR1DexKJL9WSBYRbIB2pRwKDXRcnPuaxHe55tJFZoENswu-axbCfQF_bddo. Malgré leurs divergences, différents groupes d’extrême-droite et la droite libérale ont réalisé l’unité autour de l’invitation de Theo Francken. Aidés par la presse de caniveau, ils ont orchestré une campagne contre la gauche et particulièrement contre les organisations syndicales.
Depuis, il semble utile de relier toute une série de faits et de déclarations:
Georges-Louis Bouchez réclame « la fin de l’impunité pour les syndicats », Alain Destexhe fonde un parti et quitte le MR à qui il reproche son « gauchissement » (!!) au sujet de la politique migratoire, de la politique climatique, il affirme ses préférences pour le nucléaire. « Une sorte de NVA francophone » déclare-t-il. Il rejoint ainsi les propos climato-sceptiques de Bart De Wever. « Destexhe a suggéré des accords techniques entre le PP et sa future formation de manière à promouvoir une représentation des droites à Bruxelles, en Wallonie voire au sein d’un groupe technique à la Chambre» indique La Libre de 28/02. Réagissant à cette sortie, Modrikamen (PP) lance un appel : « Les gens attendent une vraie et forte offre politique de droite à Bruxelles et en Wallonie, ils ne veulent pas des querelles entre ego, et la dispersion peut mener à la défaite pour tous. Ne tombons pas dans la désunion. Je tends la main à Alain Destexhe. Nous allons chercher un électorat plus populaire, qui vient du MR comme du PS, lui peut parler à un électorat qui vient de la droite du MR, nous pouvons unir nos forces. En formant un seul parti. Ou bien un cartel. La formule, nous verrons. L’essentiel, pour les gens, c’est l’union des droites ! ».
Il est évident que les « recettes » de Bart et de Theo -populisme, racisme et nationalisme- sont du goût des différentes mouvances de la droite extrême. En invitant « un chef reconnu » (mais qui ne représente aucun danger électoral pour eux puisqu’il est flamand…) dans leur « cuisine », ils espèrent que la « sauce » prendra côté francophone.
Ajoutons à cela l’initiative de Bannon (qui détient des moyens considérables) qui a fondé The Movement le 9 janvier 2017 dans la Capitale de l’Europe pour soutenir et fédérer la droite radicale. Et dont Mischaël Modrikamen est le président… « Début septembre 2018, Modrikamen s’est rendu en Italie, en compagnie de Steve Bannon, pour recruter Matteo Salvini au sein du club. Le 18 septembre, un autre personnage s’est rallié au projet : Louis Aliot, eurodéputé Rassemblement National et “compagnon” de Marine Le Pen, qui a annoncé que le Rassemblement National (ex Front National) entrerait dans le club » nous apprend un site web proche de Nation qui n’aime pas Modrikamen qu’ils considèrent comme « national-sioniste » en référence à ses origines juives…
Mais tout indique que, comme en Flandre, il y a des rapprochements et des liens étroits qui se tissent entre les différents courants de la droite extrême. Le journal « Humo » vient de sortir tout un dossier/enquête de huit pages sur les relations entre Schield & Vrienden (le groupe néofasciste épinglé pour leur racisme, l’extrême-violence des propos et leur sexisme dans un reportage de la VRT) et Theo Francken. Schield & Vrienden, fondé par Dries van Langenhove(2)Voir l’article de Moustique : https://www.moustique.be/22792/qui-est-dries-van-langenhove-le-visage-jeune-du-vlaams-belang, sert souvent de service d’ordre pour les activités publiques de Francken. Si Dries van Langenhove est aujourd’hui propulsé tète de liste pour le Vlaams Belang, sa relation avec Theo Francken reste au beau fixe comme on peut le voir dans ce dossier.
S’unir contre les fachos
Quand Theo Francken vient faire son tour de Wallonie, ce n’est pas pour promotionner « un livre et des idées démocratiques » comme le disent certains, mais pour soutenir toute la fachosphère dans son processus de recomposition. Et les idées nauséabondes feront vite place aux actions violentes contre les militants progressistes, contre les personnes racisées, contre les migrants, contre les femmes, contre les organisations syndicales. Là est le danger. Et face à ce danger, il faut faire front de manière unitaire.
Devant la menace il n’y a qu’une solution qui tienne : l’unité d’action. Prenons exemple sur les camarades des autres régions.
Le 16 décembre dernier une marche d’extrême droite contre le “Pacte migratoire » est organisée à Bruxelles. Le symbole d’une époque, celle de la montée de l’extrême droite partout en Occident, celle de la banalisation et la généralisation du racisme sous couvert de défense de « l’identité occidentale ». Rapidement un front large se constitue et une contre-manifestation est organisée, elle rassemble 2000 personnes devant la CGSP-Bruxelles.
À Liège, le mercredi 30 janvier, une réunion de plus de 200 personnes a relancé la constitution d’un front antifasciste qui se définit comme « Un front regroupant le plus largement possible toutes les sensibilités de l’antifascisme sans jugement de valeurs sur les méthodes ou les degrés d’engagements mais ayant un objectif clair et précis : la lutte contre les propos, idées, actions de personnes ou de groupements d’extrême droite. Il sera un lieu d’échange des pratiques, informations, et actions de toutes celles et ceux qui y participeront ».
Pour contrer l’extrême-droite, voilà la voie à suivre, l’unité dans la diversité. Faire converger des mouvements sociaux combatifs, déterminés pour « frapper ensemble ».
Notes
Bonjour,
Bien sûr qu’il faut rester extrêmement vigilants face à ce poison-cancer brun qu’est l’extrême-droite, d’autant plus qu’il se répand comme une traînée (de poudre) un peu partout et notamment en Europe. Cependant, j’aimerais souligner qu’en Belgique, la Wallonie parvient jusqu’ici à demeurer LA, sinon en tous cas une des rares régions européennes où l’extrême-droite n’émerge toujours pas… Beaucoup de minuscules groupuscules de crapules à pustules (histoire d’alitérer joyeusement) se constituent régulièrement, mais ils se rétament lourdement à chaque scrutin et finissent pas disparaître, ouf !
Les derniers en date, donc Modrik le Brave et Destexhe le Sage, se sont pris une telle dégelée qu’ils en ont dissout leur association de malfaiteurs dissolus, et ça nous fait un peu des vacances… Pourvu que ça dure, même si ça ne signifie en rien que ces nauséeuses velléités nous seront épargnées à tout jamais, évidemment. Mais pour l’instant j’avoue que ça me console un peu, à défaut de me réjouir vraiment, car on sait ce qu’il en est du ventre de la bête immonde…
Alors aussi, cette situation semble mettre en exergue les divergences voire l’antagonisme politique grandissant entre le Nord et le Sud du pays : en Flandres et d’après les sondages, Le Vlaams Belang serait le deuxième parti après la NVA – ces deux-ci n’étant guère éloignés idéologiquement – tandis qu’en Wallonie, le PTB commencerait à grappiller la seconde place du classement ; si ces tendances s’affirment jusqu’aux prochaines législatives, la formation d’une coalition fédérale risque d’être pour le moins « palpitante », n’est-ce pas…