L’administration Trump, comme le révélait un article du New York Times(1)Voir ici : https://www.nytimes.com/2018/10/21/us/politics/transgender-trump-administration-sex-definition.html, vient de produire une note interne visant purement et simplement à effacer l’existence des personnes transgenres au niveau légal et à détruire leurs droits contre les discriminations.
Cette attaque est en fait une volonté de remplacer la notion de genre par celle de sexe dans la loi fédérale protégeant contre les discriminations basées sur le genre, de façon à en exclure de facto les personnes transgenres. Elle vise à définir le genre (ou dans la terminologie de l’administration, le “sexe”) comme “le statut de mâle ou de femelle basé sur des traits biologiques immuables pendant ou avant la naissance. (…) Le sexe décrit sur le certificat de naissance d’une personne, tel qu’il a été déterminé à la naissance, constituera la preuve définitive du sexe d’une personne, à moins qu’il ne soit réfuté par une preuve génétique fiable.”(2)Passage original : “Sex means a person’s status as male or female based on immutable biological traits identifiable by or before birth” “The sex listed on a person’s birth certificate, as originally issued, shall constitute definitive proof of a person’s sex unless rebutted by reliable genetic evidence.”
Premièrement, soulignons que cette définition n’a strictement aucune base biologique. Cette définition exclut totalement les personnes intersexuées qui ont certaines caractéristiques sexuelles primaires à la fois mâle et femelle. Quid d’un homme cisgenre (dont le genre correspond à celui assigné à la naissance) avec un système procréateur fonctionnel qui découvre à 40 ans qu’il a une paire de chromosomes X ? La génétique à elle seule n’est jamais une source fiable pour déterminer le sexe d’une personne.
Cette note interne vise donc à faire table rase des droits acquis et reconnus sous l’administration Obama (suite à des procès intentés par des personnes transgenres pour discrimination(3)Notamment Whitaker v. Kenosha Unified School District et Macy v. Holder. ). Si elle est validée, cela aura pour effet de ne plus reconnaître les discriminations à l’école, au travail ou dans les soins de santé. 1,4 millions d’étasunien·ne·s transgenres ayant obtenu une reconnaissance légale de leur genre pourraient donc voir leurs droits bafoués.
Néanmoins, cette note interne pourrait être contredite par les décisions de justice au niveau fédéral qui ont justement permis la reconnaissance des droits de personnes transgenres selon le Transgender Law Center.
La note est issue de Roger Severino, le directeur de le Bureau des Droits Civil au département de la santé et président du DeVos Center for Religion and Civil Society à l’Heritage Foundation.
Cet homme se présente comme un activiste des droits humains et a récemment défendu le droit des médecins ou des compagnies d’assurances à refuser des soins, par exemple les avortements, les opérations d’affirmation de genre ou l’euthanasie, pour des raisons religieuses (en justifiant dans cette interview surréaliste(4)Voir ici : https://choice.npr.org/index.html?origin=https://www.npr.org/sections/health-shots/2018/03/20/591833000/civil-rights-chief-at-hhs-defends-the-right-to-refuse-care-on-religious-grounds?t=1540202577926 qu’il avait expérimenté le racisme et que protéger des discriminations religieuses était devenu son cheval de bataille).
La note doit être validée par le département de la justice, contrôlé par le procureur général Jeff Sessions. Ce dernier avait défendu en octobre 2017 une interprétation du Titre VII du Civil Rights Act of 1964(5)https://fr.wikipedia.org/wiki/Civil_Rights_Act_de_1964 (texte fondateur aux Etats-Unis contre les discriminations) visant à exclure les personnes transgenres. La validation de cette note devrait donc être une formalité.
L’administration Trump n’en est évidemment pas à son coup d’essai pour instaurer une transphobie d’état : les prisons, les toilettes et les refuges pour personnes sans-abris (alors qu’on estime que 40% des jeunes SDF sont LGBTQIA+(6)Voir ici : https://nationalhomeless.org/issues/lgbt/ aux Etats-Unis) ont déjà été ciblés par différentes instances gouvernementales.
La résistance contre cette nouvelle attaque s’organisait déjà dimanche soir au Washington Square Park à New York et un rally aura lieu devant la Maison Blanche ce lundi. Le hashtag #WontBeErased(7)“Nous ne serons pas effacé·e·s” a poussé des centaines de personnes transgenres à montrer sur Twitter qu’elles existaient et qu’elles ne seraient pas effacées.
Notes