Nous reproduisons ci-dessous un article de Frank Slegers publié dans La Gauche en janvier 2001.
La grève de 60-61 en Belgique a souvent été présentée comme l’expression d’une « tradition de grève générale » de notre classe ouvrière. II est vrai que la série des grèves générales est impressionnante en Belgique : révolte de 1886, grèves générales pour le suffrage universel en 1893, 1902 et 1913 ; grèves générales de 1932 et 1936 ; grève générale de 1950 contre le retour de Léopold III ; et 60-61. La Belgique semblait vouée à vivre une grève générale tous les dix ans. C’est pourquoi la génération de ’68 attendait « la prochaine » avec impatience… [Cinquante ans plus tard] on attend toujours. Pourtant, [en ce début de XXIe siècle], il est plus que jamais intéressant de se pencher une fois encore sur la « grève du siècle » passé.
La grève de 60-61 a donné lieu à plusieurs interprétations. Celle de notre courant politique met l’accent sur la spontanéité ouvrière, l’auto-organisation, la dynamique sociale. Mais il y a d’autres lectures de l’événement. Jacques Yerna et Jean Neuville (1)Jean Neuville et Jacques Yerna : « Le choc de l’hiver 60-61 », Pol-His, 1992. analysent la grève de 60 comme l’expression d’une aspiration de la classe ouvrière wallonne à la recherche d’une issue pour la crise sociale au Sud du pays. À l’opposé, Jef Mampuys, dans un livre sur l’histoire de la CSC (2)Voir sa contribution dans « De christelijke arbeidersbeweging in België », Kadoc-studies, Universitaire Pers Leuven, 1991., considère 60-61 comme un petit événement sans grande signification, un dérapage dans la longue marche du mouvement ouvrier vers la concertation sociale.
Cinq étapes
Choquante aux yeux de certains, cette interprétation n’est pas absurde. Car, à côté de la tradition des grèves générales, il y a une autre tradition dans l’histoire du mouvement ouvrier : celle de la concertation sociale et du développement de l’appareil bureaucratique. Or cette « tradition » semble culminer avec les « golden sixties », comme résultat de cinq étapes importantes :
(1) 1886 : Une révolte ouvrière explosive secoue violemment le pays. La « question sociale » fait irruption. Un premier embryon de législation sociale apparaît. Le mouvement ouvrier commence à se développer dans l’expansion économique qui se maintiendra jusqu’à la Première Guerre mondiale.
(2) 1918-19 : Une série de conquêtes sociales est imposée, dont le suffrage « universel » (pour les hommes seulement), la reconnaissance des libertés syndicales et le droit de grève. C’est l’époque des premières conventions collectives, des premières commissions paritaires… Le patronat belge reste très opposé à la concertation sociale. Les holdings financiers ont investi leurs capitaux surtout dans les secteurs de base tels que le charbon, l’acier, les produits semi-finis. Ils produisent pour l’exportation, et sont dépendants des prix sur le marché mondial. Le coût salarial doit s’adapter aux fluctuations de ces prix. C’est pourquoi les patrons ne veulent pas se lier les mains par des accords à long terme, dans le cadre de la concertation sociale.
Les syndicats sont peu implantés dans les entreprises. Ce sont des appareils bureaucratiques, qui tentent de séduire le patronat en se présentant comme des garants de la paix sociale. Ils s’appuient sur leurs amis politiques au gouvernement pour forcer les patrons à accepter certaines formes de concertation (après la première guerre, puis de nouveau à partir de 1935). Le nombre d’affiliés des syndicats va exploser surtout avec le chômage massif, dans les années trente : seuls les syndiqués avaient droit aux allocations.
(3) Les années trente sont marquées par deux fortes explosions sociales : la grève (sauvage) des mineurs en 1932, puis la grève générale (sauvage) de 1936. Les appareils syndicaux ont tenté de récupérer cette dernière en se portant à la tête du combat (pour la première fois on parla de front commun syndical) et en imposant la convocation d’une Conférence nationale du Travail. Le scénario est devenu classique : quand la lutte sociale échappe aux appareils et devient dangereuse, la concertation sociale est accentuée, pour créer un espace où discuter de la meilleure manière de désamorcer la combativité ouvrière, au besoin à l’aide de concessions matérielles. Mais, en mai 1940, tous les appareils s’effondrent, laminés par dix années d’impuissance bureaucratique face à la crise sociale. Une grande partie des appareils bureaucratiques opte d’ailleurs pour l’Ordre Nouveau nazi.
(4) Pendant la Deuxième Guerre mondiale, un nouveau mouvement ouvrier se constitue, avec, pour la première fois, une implantation massive dans les entreprises. Plusieurs facteurs stimulent cette percée. Le patronat, sous l’influence de tendances corporatistes, souhaite se lier les travailleurs. D’autre part, face à l’écrasement des appareils, le mouvement ouvrier est obligé de se reconstituer par en bas. Il reçoit des impulsions radicales de la Résistance, qui commence avec la « grève des cent mille » dans la métallurgie liégeoise, en mai 1941. Après la guerre, le mouvement ouvrier se restructure. C’est plus particulièrement le cas pour la FGTB, qui naît de la fusion de quatre structures syndicales et remplace l’ancienne Commission syndicale du POB(3)Parti ouvrier belge, NDLR. La CSC reste en-dehors de la fusion syndicale, quoiqu’elle ait été approchée.
Après la guerre, progressivement, la politique patronale va changer également. La conscience grandit que l’infrastructure économique centrée essentiellement sur l’exportation de produits semi-finis est inadaptée. Or, la transition vers la production de biens de consommation durables nécessite un autre type de relations avec le mouvement ouvrier. Ce changement sera symbolisé par l’élection du baron Bekaert, producteur de fil d’acier, à la tête de l’organisation patronale, ainsi que par la diminution du poids de la fédération charbonnière.
(5) Ces changements ont des répercussions dans les « golden sixties »: pendant dix ans, le pays connaît une énorme croissance économique, portée par les investissements des multinationales étrangères, qui rénovent l’appareil de production. Le centre de gravité économique se déplace vers des secteurs plus dynamiques, orientés vers le marché intérieur. En 1960 est conclu le premier accord interprofessionnel. En 1968 est adoptée la loi sur les conventions collectives, qui donne une base juridique et institutionnelle solide à la concertation sociale. La sécurité sociale se complète. Les lois d’expansion économique et la sécurité sociale forment la colonne vertébrale de « l’État providence » de type keynésien.
On peut donc dire que cent années d’histoire sociale semblent mener inexorablement vers le point culminant de la concertation sociale, entre 1960 et 1975. Dans cette vision, la grève de soixante apparaît comme une manifestation accidentelle d’un passé révolu. Évidemment, cette lecture harmonieuse de l’histoire fait peu de cas de la profondeur de la rupture intervenue dans les années trente, et sous-estime l’ensemble des facteurs exceptionnels qui sont à la base de l’extraordinaire expansion des années 50-75. Cependant, il est clair qu’on ne peut expliquer la grève du siècle en recourant simplement à une « tradition » de grève générale. Il faut se pencher sur les facteurs concrets et spécifiques qui ont donné à cette grève sa place dans l’Histoire.
La grève a duré cinq semaines complètes. On a compté 700.000 grévistes et 300 manifestations (en moyenne dix manifestations par jour !)
C’est d’autant plus indispensable que « 60 » mérite largement son titre de « grève du siècle ». La grève a duré cinq semaines complètes. On a compté 700.000 grévistes et 300 manifestations (en moyenne dix manifestations par jour !) Il y eut de dures confrontations avec la gendarmerie et l’armée. Quoique les syndicats ne lancèrent jamais officiellement le mot d’ordre de grève générale, la grève connut une extension spontanée remarquable et rapide pendant les premières semaines, à telle enseigne que des régions entières étaient sous le contrôle total des grévistes. En beaucoup d’endroits, la grève avait des allures de soulèvement populaire. Comment l’expliquer ?
Les facteurs déclenchant
Cinq facteurs ont joué un rôle :
(1) L’impasse structurelle de l’économie belge. L’infrastructure du pays était vieillie. L’expo 58 et l’Atomium symbolisaient la modernisation. Mais la réalité était tout autre. Il y eut donc une réelle crise de légitimité du patronat, discrédité en tant que groupe social dominant. Dans les années trente, on avait déjà connu le Plan De Man, dit « Plan du travail ». Face à la crise des appareils du mouvement ouvrier. De Man, qui se campait alors sur la gauche, avait pu mettre en avant ses idées de nationalisation du secteur de l’énergie, de planification souple de contrôle sur les holdings. Quoique De Man lui-même ait très mal tourné en quarante, ces idées reviennent dans les congrès FGTB de 1954 et 56 sous la forme des « réformes de structures ». La récession de 58-59, avec la hausse rapide du chômage dans les secteurs du charbon, fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.
(2) La « question royale » contribua à la perte de légitimité de la classe dominante. En 1950, le pays avait été paralysé par une grève générale contre le retour du roi-collabo, Léopold III. Cette grève était quasi-insurrectionnelle, avec une marche sur Bruxelles. Le problème était plus profond que la personne du roi : une bonne partie du régime avait misé sur le mauvais cheval, au début de la guerre. Cela ouvrit une brèche de haut en bas dans la société. Tout cela était encore très frais dans la mémoire du mouvement ouvrier, dix années plus tard.
(3) En 1960, la Belgique « perd le Congo ». Patrice Lumumba fait le procès des colonisateurs en présence de Baudouin, blême. La population est sous le choc des photos des familles belges en fuite, qui débarquent à Melsbroek avec quelques valises bouclées à la hâte. Cette « humiliation nationale » accentue l’idée que le pays est au bord de la chute.
(4) Le mouvement ouvrier sortait profondément restructuré des années trente et de la guerre. Depuis ’36, son centre de gravité était passé du Borinage houiller à la métallurgie liégeoise. Durant la Résistance, le syndicaliste liégeois André Renard jeta les bases de son Mouvement Métallurgiste Unifié, tandis que le Parti communiste fondait ses Comités de Lutte Syndicale. Les deux fusionnèrent à Liège pour former le Mouvement Syndical Unifié (MSU). Les vieilles structures syndicales sociale-démocrates d’avant-guerre, le nouveau syndicat des services publics et le MSU fondèrent la FGTB, (relativement) autonome par rapport au PSB.
André Renard avait un profil très différent de celui de la tradition syndicale d’entre-deux guerres : il était l’homme de l’action directe de masse et des libertés syndicales. Quoique la CSC ait refusé de se joindre à la fusion, Renard était contre la division selon des clivages religieux. Contrairement au dirigeant socialiste Max Buset qui avait déclenché la « guerre scolaire » et qui était soutenu dans la FGTB par Louis Major et Dore Smets, Renard était pour l’indépendance du syndicat par rapport aux partis. Nous sommes donc confrontés, dans les années 50 et 60, à un nouveau mouvement ouvrier, relativement jeune, pas homogénéisé, avec deux tendances rivales au sein de la FGTB.
(5) Le contenu même de la loi unique, cause de la grève, est aussi un facteur d’explication des caractéristiques de celle-ci. Cette loi formait un paquet global de mesures antisociales, rassemblées en une seule loi pour sceller le compromis entre les libéraux et les chrétiens au gouvernement. C’est ainsi que la loi unique agit comme unificateur de la protestation ouvrière. Pour le gouvernement, la loi unique devait permettre de rassembler les fonds nécessaires à la modernisation du pays dans le cadre des lois d’expansion économique. Mais le régime n’avait pas la légitimité suffisante pour mener une telle opération. D’autre part, le mouvement ouvrier avait une alternative : les réformes de structures.
Le contenu même de la loi unique, cause de la grève, est aussi un facteur d’explication des caractéristiques de celle-ci. Cette loi formait un paquet global de mesures antisociales, rassemblées en une seule loi pour sceller le compromis entre les libéraux et les chrétiens au gouvernement.
La grève commença le 20 décembre 60 et dura cinq semaines. Son expansion fut très rapide au cours des deux premières semaines. Mais, après le premier janvier, le climat changea : la CSC tenait tête à la grève, de sorte que celle-ci ne fut jamais générale en Flandre. Cela permit au gouvernement de tenir bon en misant sur l’usure du mouvement. Le premier janvier, le comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB appela à une journée d’action wallonne, avec un objectif propre : des réformes de structures économiques, couplées à des réformes politiques nécessaires pour permettre l’application de cette politique en Wallonie (le fédéralisme).
La CSC flamande bloque
La grande question est : pourquoi n’a-t-il pas été possible de faire plier la CSC ? À Anvers, au début du mouvement, les syndicats chrétiens des secteurs communaux et provinciaux participaient au mouvement. Le repli sur soi de la FGTB wallonne était-il la bonne réponse à l’obstacle de la CSC, qui organisait la majorité des syndicalistes flamands ?
Les militants de gauche opposés au repli wallon lancèrent le mot d’ordre de la « marche sur Bruxelles » en tant qu’objectif unificateur. Pour répondre au développement inégal, concentrer des forces, et provoquer une confrontation dans la capitale… Ce moyen d’action avait conquis une grande force symbolique depuis son utilisation lors de la question royale. Pour faire diversion, Renard lança un autre mot d’ordre radical : la menace de laisser couler les hauts-fourneaux (ce qui les aurait endommagés de façon irréparable). Cette menace ne fut jamais mise à exécution.
L’attitude de la CSC flamande et de la Flandre chrétienne ne s’explique pas par les « valeurs chrétiennes » de la collaboration de classe, ou par l’emprise de l’Eglise. Le cardinal Van Roey attaqua frontalement la grève, mais cette ingérence dans les affaires sociales fut très mal prise par les dirigeants CSC. Ceux-ci ne voulaient absolument pas apparaître comme les « hommes de l’Eglise ». L’attitude de la CSC et la difficulté de généraliser la grève en Flandre avaient d’autres racines, plus profondes.
En Flandre, un nouveau patronat se profilait dans le sillage de Bekaert. L’élite flamande préparait la modernisation du tissu économique par le biais des « lois d’expansion économique ». Elle n’était pas handicapée comme en Wallonie par une structure industrielle vieillie et un patronat accroché à celle-ci. La Flandre était encore vierge à bien des égards. L’alliance entre ce patronat moderne et la CSC flamande fut possible autour de l’exigence « de l’emploi dans la région ». Car beaucoup de travailleurs flamands allaient encore gagner leur vie en Wallonie, comme navetteurs.
La droite FGTB
Non seulement la CSC mais aussi la droite FGTB ont fait barrage à une perspective unificatrice. Louis Major (président national) et Dore Smets (président de la Centrale Générale) privilégiaient la pression et la concertation avec les amis politiques, en lieu et place de l’action directe. Leur objectif était l’entrée du PSB au gouvernement. De fait, ce scénario se réalisa après la grève.
D’une certaine manière, on peut dire qu’il y eut deux grèves en une. D’une part il y eut la grève contre la loi unique, avec les travailleurs de la fonction publique comme colonne vertébrale (y compris les affiliés CSC). D’autre part, il y eut la grève pour des réformes plus profondes, visant à donner une réponse à la crise structurelle qui frappait le pays, particulièrement la Wallonie, et dont la colonne vertébrale était le prolétariat wallon.
Héritages
Nous ne dresserons pas ici un bilan détaillé des résultats de la grève (4)voir à ce sujet Neuville et Yerna, op. cit. Nous nous contenterons d’épingler un certain nombre d’éléments hérités de cette grande expérience, éléments qui pèsent encore aujourd’hui dans le débat stratégique au sein du mouvement ouvrier.
C’est ainsi que le mot d’ordre des « réformes de structures » continue d’exercer une certaine influence dans le mouvement syndical. Ce mot d’ordre a toujours été ambigu : réformes néocapitalistes, pour moderniser le système ? Ou réformes anticapitalistes ? André Renard lui-même incarnait l’ambiguïté puisqu’il était membre du comité de contrôle du gaz et de l’électricité, un instrument de gestion typiquement néocapitaliste. Mais la question des réformes de structures ne peut pas être vue indépendamment de la dynamique sociale. Une chose est ce que ce mot d’ordre peut représenter quand il est imprimé sur papier glacé dans de belles résolutions. Autre chose est ce qu’il représente quand les masses en grève s’en emparent pour changer les structures du pays.
Aujourd’hui aussi nous connaissons une crise structurelle : chômage, flexibilité, stress… La légitimité du patronat en tant que couche dirigeante est contestée du point de vue de sa capacité d’assurer l’avenir de l’humanité. Mais l’action de masse autonome pour des réformes de structure, de quelque type que ce soit, est complètement absente…
Un deuxième héritage de la grève est la problématique de l’unité syndicale FGTB-CSC. Depuis un demi-siècle, cette question croise la question communautaire. C’est plus qu’une question de langue. Quelle est la réponse ? Certainement pas la Belgique unitaire. Mais pas non plus la division entre travailleurs. D’autre part, l’unité dans la lutte pour des réformes de structures est-elle possible, quand on voit à quel point les dynamiques sont opposées dans les deux parties du pays : la Flandre triomphante et la Wallonie en crise ?
Un troisième héritage est sans conteste la relation entre les syndicats et les « amis politiques » : action directe sans prolongement politique, ou prolongement du politique sans action directe ? Après la grève, Renard tenta de résoudre cette question en lançant un mouvement semi-syndical, semi-politique : le Mouvement Populaire Wallon. Ce fut un échec.
La Gauche, janvier 2001.
Chronologie de la Grève du Siècle
14 décembre : Immense manifestation des travailleurs liégeois, Place Saint Lambert, pour protester contre la « loi unique » et réclamer des réformes de structure.
16 décembre : Le Comité national élargi de la FGTB rejette à une faible majorité une proposition d’André Renard d’organiser au 1er janvier 1961 une grève générale de 24h. Il y substitue simplement l’idée d’une « journée nationale d’action ». Cette décision déçoit profondément les travailleurs.
20 décembre : Les « communaux » entrent en grève, avec grand succès, en Wallonie, à Bruxelles et en Flandre. Aux ACEC de Charleroi, aux Tôleries d’Espérance-Longdoz et à l’Aciérie d’Ougrée se produisent des débrayages spontanés de solidarité qui s’étendent rapidement.
21 décembre : Les grèves des « communaux » s’étendent tandis que la grève se généralise dans la métallurgie liégeoise et parmi les dockers d’Anvers. Le secteur cheminot de la CGSP proclame la grève générale.
22 décembre : Les régionales FGTB de Liège et du Borinage proclament la grève générale interprofessionnelle pour le lendemain. La CGSP nationale proclame la grève générale pour le lendemain.
23 décembre : La grève est générale à Liège, dans le Borinage, dans le Centre, dans le Pays Noir et elle se généralise dans le Tournaisis et le Brabant wallon. Les régionales FGTB de Wallonie constituent un comité de coordination.
24-25 décembre : La « trêve de Noël » n’entame en rien la combativité des travailleurs. Le journal La Wallonie est saisi pour avoir publié un appel aux soldats pour qu’ils fraternisent avec les grévistes.
26 décembre : Les journaux Le Peuple et la Volksgazet sont à leur tour saisis. Des parachutistes sont rappelés, occupent les gares et surveillent les lignes de chemins de fer. De nombreux grévistes sont arrêtés.
27 décembre : La grève est maintenant générale dans toute la Wallonie. Une manifestation de 10.000 personnes parcourt les rues de la capitale. Manifestation survoltée de 25.000 travailleurs à La Louvière. Grande manifestation à Gand suivie de violents incidents.
29 décembre : La grève continue de s’étendre en Flandre, notamment à Bruges, à Alost et à Renaix.
30 décembre : La grève atteint son extension la plus large. Formidable manifestation de 45.000 grévistes à Charleroi. Violents incidents à Verviers et à Bruxelles où un manifestant est tué au cours de la bataille de rues entre gendarmes et manifestants.
30 décembre – 1er janvier : Le nouveau « long week-end » n’entame toujours pas la combativité des travailleurs. Le gouvernement accentue la répression et les provocations. De nombreux grévistes sont arrêtés.
3 janvier : La journée de « deuil » proclamée par le comité de coordination des régionales wallonnes FGTB est partout marquée par de puissantes manifestations.
6 janvier : Formidable manifestation à Liège de 45.000 grévistes. Après la fin du meeting, de violents incidents éclatent qui tournent aux combats de rues et à l’émeute (Gare des Guillemins), pendant plus de 6 heures. Deux manifestants grièvement blessés par les gendarmes succomberont des suites de leurs blessures.
7-8 janvier : Troisième week-end de grève. La grève commence à se résorber dans certains centres flamands.
La fin de la grève :
La Quatrième semaine de grève fut marquée par la volonté farouche des travailleurs wallons de « tenir » dans la grève d’usure que leur imposèrent le gouvernement et le grand capital. Cependant, les secteurs les plus faibles commencèrent petit à petit à fléchir. En Flandre et à Bruxelles, la grève se résorba lentement, non sans qu’une dernière et violente poussée de fièvre ne se produise à Hoboken et dans le bassin du Rupel. Le 13 janvier, la Chambre adopte la « loi unique ». Le 15 janvier, la plupart des secteurs reprennent le travail, sauf la métallurgie liégeoise et hennuyère, Gazelco et quelques autres corporations qui resteront en grève jusqu’au 21 janvier. Très souvent les travailleurs rentrent la tête haute et le moral excellent, souvent en cortège et en chantant « l’Internationale ». Partout ils défendent avec acharnement les camarades sanctionnés. Commentaire d’un bourgeois du Pays Noir : « Rentrés, ils sont encore pire qu’en grève »…
Photo : Harry Pot / Anefo, CC0, via Wikimedia Commons
Notes